Histoire locale:
LA P�CHE A LA PIBALE
La pibale, appellation locale de la civelle, n'est autre que l'alevin de l'anguille.

A Capbreton, seul port des Landes, de nombreuses g�n�rations de marins?p�cheurs la capturent � son arriv�e sur nos c�tes, en p�riode d'hiver, alors qu'elle s'appr�te � remonter les cours d'eau, pour devenir anguille.
I/ Son origine
. Les anguilles femelles d'Europe, dont l'�ge peut atteindre 18 ans, qu'on appelle sardias dans notre
r�gion, regagnent l'oc�an au mois d'ao�t, apr�s avoir voir cess� de s'alimenter, pour leur dernier voyage.
. Retrouvant les m�les, dans l'Atlantique les anguilles matures se dirigent vers la Mer des Sargasses, � l'est de la Floride. On ignore combien de temps dure ce p�riple nuptial, alors que les anguilles poursuivent leur je�ne.
. A leur arriv�e dans l'immense herbier des Sargasses, la sargasse �tant une algue flottante, les anguilles pondent jusqu'� un million d'?ufs dans des fonds de 400 m�tres, avant de mourir.
. Ce sont de petits ?ufs, environ 1 mm, qui flottent, et �closent � une profondeur de 300 m�tres, donnant des larves de 5mm, qui grandissent en se rapprochant de la surface.
. Commence alors la migration. Les larves, pr�leptoc�phales puis leptoc�phales, m�l�es au plancton, sont port�es par le courant chaud du Gulf Stream vers les c�tes de l'Europe,qu'elles atteignent au bout de trente mois. Les larves sont devenues ces civelles ou pibales, si pris�es sur les c�tes atlantiques.
II/ Destination
. Arriv�es sur le plateau continental, au niveau du Golfe de Gascogne, mais surtout sur les grands fonds du Gouf de Capbreton, les civelles progressent de jour, � une profondeur de cinquante m�tres environ, r�duite � une vingtaine de m�tres la nuit. Elles mesurent soixante millim�tres de long, sont transparentes, laissant appara�tre deux points noirs, repr�sentant les yeux, et parcourues d'un mince filament sombre, la future ar�te centrale.
. D�s que les pibales ou civelles sentent les eaux charg�es descendant des cours d'eaux, surtout apr�s de fortes pluies, � la fin de l'automne, et surtout lorsque le mauvais temps les pousse vers la c�te, alors, elles s'engouffrent dans les estuaires. De l�, elles vont coloniser , sous la forme d'un cordon continu, se d�pla�ant la nuit ( le jour elles s'enterrent dans le sable, en guise de repos), rivi�res et ruisseaux. Leur instinct leur permet aussi d'atteindre les plans d'eaux, lacs et �tangs, progressant de nuit, � travers les prairies humides, et, s'enfon�ant dans la vase, le jour.
III/ L'anguille
. Les pibales ou civelles, qui n'ont pas vu leur progression interrompue, de fa�on brutale, par l'intervention artificielle des p�cheurs, ou naturelles des pr�dateurs, vont tout d'abord prendre couleur. De translucides, elles vont se teinter de noir. Cette mutation s'accompagnera d'un d�veloppement �tal� sur cinq ans.
. Ce d�veloppement est subordonn� � l'importance de plusieurs facteurs. Tout d'abord, il d�pend du sexe de la future anguille. Ensuite, de la qualit� nutritive des eaux qui les h�bergent. De m�me, on note des croissances diff�rentes, suivant les temp�ratures ambiantes.
. Pour se nourrir, l'anguille chasse la nuit, car elle n'aime pas la lumi�re. Aussi, dans la journ�e, la trouve ?t?on roul�e en pelote, sous divers �l�ments, comme les pierres, les troncs d'arbres, dans des anfractuosit�s naturelles.
. Petite, la base de sa nourriture se compose de vers, mollusques, alevins. Adulte, escargots, limaces, �crevisses, loches, voire grenouilles satisfont � ses besoins.
. Durant la p�riode d'hiver, de novembre � mars, l'anguille hiberne, en se cachant dans la vase.
La p�che � la pibale
I/O�
. Comme nous l'avons vu pr�c�demment, lors de l'identification de cette myst�rieuse pibale, nous savons qu'elle est attir�e par l'eau douce des fleuves et rivi�res d�bouchant en mer, au niveau des estuaires. C'est donc l� que le p�cheur l'attend.
. Ainsi, leurs deux berges sont investies, par certains pratiquants de cette p�che, lorsque la pibale remonte le cours d'eau. Mais, on trouve aussi des p�cheurs en mer dans les vagues, � proximit� de l'estuaire, juste avant que notre alevin ne s'engouffre dans celui?ci. C'est une autre technique.
II/ Quand
. Cette p�che se pratique de nuit, m�me si j'ai eu connaissance de grosses prises en plein jour. La p�riode id�ale se situant au � point noir �, qui correspond � la nouvelle lune. La raison en a �t� �voqu�e plus haut : la pibale remonte en surface avec l'obscurit� de la nuit, et replonge avec la lumi�re du jour. Comme nous le verront, c'est une p�che de surface.
. La pibale arrive sur nos c�tes � la fin de l'automne, c'est une p�che hivernale dont la cl�ture se situe au mois de mars.
. La pibale, qui vient de faire un long p�riple, a besoin de l'aide du courant pour remonter les cours d'eau, la p�che se fera donc � mar�e montante, de pr�f�rence, � la fin de celle?ci.

Coll.particuli�re. J.Lartigue. P�cheurs de pibales
. La pibale aime surtout l'eau saum�tre, bien riche, et charg�e en micro?organismes. De fortes pluies, ou la fonte des neiges donnent une eau trop claire, peu propice � la p�che.
III/ Comment
. Cette p�che � pied, pratiqu�e au XIX�me si�cle, n'a pas �volu�e sur le principe. Le p�cheur a toujours recours au traditionnel � tamis �.

. El�ment de base, le � tamis �, comme son nom l'indique, permet au p�cheur de tamiser le courant d'eau, pour en retirer tout ce qu'il transporte, entre autre notre fameuse pibale. Il est constitu� d'une armature de bois, acacias par exemple, de forme ovale, sur laquelle est fix�e une poche en toile m�tallique, semblable � celle servant � r�aliser les garde?manger de nos anc�tres, ou les cribles � grains. Ce tamis poss�de un manche de trois m�tres qui permet au p�cheur de le maintenir � contre courant, alors que le cordon de pibale vient buter dedans, et de le relever quand il l'estime bien rempli. Le contenu est alors vid� dans une caisse appropri�e, retenant les alevins tout en laissant partir l'eau. Le p�cheur plonge � nouveau le tamis , juste sous la surface de l'eau, et ainsi de suite. C'est la p�che en estuaire, depuis la berge.
Coll.particuli�re. J.Lartigue. P�cheuse de pibales

La p�che en bateau. Collection particuli�re.
. Autre technique : la p�che en mer. Les pibales, cherchant l'entr�e des estuaires, longent la c�te. Les vagues les entra�nent alors jusqu'au bord, puis les ram�nent au large en se retirant. C'est l� que le p�cheur, dans l'eau jusqu'� la taille, de dos � la mer, posant son tamis dans le ressac, parvient � les capturer. Cette fa�on de p�cher est tr�s dangereuse.
RECETTE BASQUE DE LA PIBALE :
En Espagne, c'est l'�quivalent de notre dinde de No�l pour les f�tes de fin d'ann�e :
Dans un caquelon en terre mettre un fond d'huile d'olive, faire chauffer, y jeter des tranches d'ail. Laisser dorer, puis ajouter 150 gr de pibales. Au bout de trois minutes, ajouter du piment d'Espelette, et servir. Bon app�tit !
Jean Lartigue